lundi 3 janvier 2011

Goodbye Marylou

C'était un an après l'armistice, après que la guerre du divorce se soit transformée en paix armée, chacun de son coté attendant de livrer les prochains combats, devant le juge d'abord, devant le notaire ensuite. La séparation, terme inapproprié voulant dire qu'un des deux a planté l'autre, m'était tombée dessus en 1999, nous étions donc en 2000 et plus précisément en juillet.

Ça faisait déjà plusieurs semaines qu'elles venaient tous les jours acheter des revues et des cigarettes dans ma boutique, après leur déjeuner, aux heures du coup de feu, entre midi et quatorze heures. Nous étions là, mon employé et moi et elles arrivaient, deux collègues de travail, la brune et la blonde, riant fort, se tenant par le bras dans une démarche chaloupée comme peuvent le faire des femmes en goguette, plaisantant avec nous... stratégie de séduction.

Pour une fois la blonde était plus jolie que la brune, plus jeune aussi. De taille moyenne, mince, les attaches fines, on remarquait d'abord ses yeux d'un bleu… très bleu. Avec ses cheveux courts, elle ressemblait un peu à Cécile de France.

Je n'ai jamais eu aucune photo d'elle et même si j'en avais, je ne les publierais pas, alors il faudra vous contenter de ça.


C'est curieux comme on peut être aveugle parfois. Enfin je dis "on", mais c'est bien de moi qu'il s'agit. Quand je me suis retrouvé seul, j'ai désespérément recherché une "remplaçante". Pas l'âme sœur, pas la femme de ma vie "saison deux", non, juste quelqu'un qui m'aiderait à me relever, à me sentir autrement que comme un déchet, pas une béquille permanente pour boiter le reste de ma vie, non, juste un point d'appui, une poignée à laquelle m'agripper temporairement.

Mais quand on cherche désespérément, on a toutes les chances de ne rien trouver, c'est bien connu.


Faites le test très sérieusement: Combien de passes sont réalisées par l'équipe en blanc?


Pour que les autres vous aiment, il faut bien commencer par s'aimer soi-même, c'est-à-dire avoir du respect pour soi. Or du respect, je devais en avoir récupéré un minimum puisque ma jolie cliente blonde venait pour moi. Pour me séduire moi. Mais j'ai mis plusieurs semaines à m'en rendre compte. Pour ce genre de chose, j'avais encore le nez plutôt bouché. À ma décharge, il faut comprendre que si toutes mes clientes régulières n'étaient venues que dans le but de me séduire, ma vie aurait été bien compliquée. Parmi mes plus de 1000 clients quotidiens (les bon jours), il y avait pas mal d'habituées. Et puis je n'ai pas de tendances à l'érotomanie.

Qu'est-ce qui a fait que j'ai fini par m'en rendre compte? Malheureusement, je ne m'en souviens plus mais à partir de ce moment là, quand mes petits neurones ont eu fini de faire leur boulot et que toutes les connexions de mon cerveau ont été rebranchées, je n'ai plus eu à faire grand-chose. L'achat d'un Pariscope fut un prétexte facile pour lui proposer d'aller ensemble au cinéma et à partir de là…

Cette histoire a duré peu de temps, nous étions déjà fin juillet. Je le sais parce que le 25, mon employé est parti plus tôt pour allez chercher sa femme qui travaillait à Roissy. Un peu avant quinze heures, il m'a appelé tout excité: "Je viens de voir tomber le Concorde!". Je suis sorti de la boutique et j'ai vu l'épaisse colonne de fumée qui s'élevait à l'horizon. Plus tard dans l'après-midi, un type est passé m'acheter des pellicules photo (ça se vendait encore à l'époque). L'humanité n'est pas toujours belle à voir de près.

Le rapport avec Marylou? C'est que ce jour là, elle m'a envoyé un e-mail pour me dire que les routes du coin étaient bloquées à cause d'un crash aérien. C'était gentil de sa part, quelqu'un se souciait de moi et je ne l'ai pas oublié, mais de toutes façons, je ne quittais mon commerce que très rarement avant 21h30 et à ces heures là, il n'y a plus d'encombrements, même les jours où un avion se casse la gueule.

Aussi curieux que cela puisse paraitre, cette image évoque pour moi un bon souvenir.

Tout ça pour dire que cette liaison n'a pas survécu au mois d'août. Je suis parti en vacances de mon coté, elle aussi sans doute (je ne m'en souviens plus) mais à la rentrée c'était fini. Je la voyais encore de temps à autre, comme une simple cliente et puis elle a fini par ne plus venir du tout.

Cette liaison m'a fait un bien immense. Pas tellement sur le plan physique parce qu'après plus de quinze ans avec la même femme, ça fait bizarre de se retrouver au lit avec une autre, mais sur le plan moral... Je me rappelle du matin en repartant de son appartement après cette première nuit, arrêté au feu rouge, j'avais à nouveau le sentiment que la vie valait la peine d'être vécue. Je me rappelle aussi du coté anecdotique de son entreprise de séduction, ces revues qui de son propre aveu ne l'intéressaient même pas mais qu'elle venait acheter en espérant me guérir de ma cécité cognitive.



Pour toute ces choses, merci Marylou. Je doute que tu ne lises jamais ce blog mais tu es venue à point nommé, comme une sorte de lait après-soleil sur une peau brulée, comme du baume apaisant sur un énorme hématome.

Croque-Au-Sel est mort

Croque-Au-Sel c'est, ou plutôt c'était, mon chat. Le véhicule qui l'a tué ce matin l'a fait proprement, sans lui rouler dessus. Comme pour d'autres chats que j'ai eu avant lui, je l'ai aperçu au milieu de la rue qui passe sous mes fenêtres, une flaque de sang sous la tête. Certains véhicules passaient au dessus de lui, une roue de chaque coté, d'autres déboitaient pour l'éviter. Du coup, je suis sorti encore en robe de chambre pour l'évacuer. Je ne tenais pas à ramasser de la purée de chat plus tard.


Oui je sais, on s'en fout et je vous l'accorde volontiers, c'est un événement microscopique. La preuve, ça ne me coupera même pas l'appétit ce soir. Demain mardi, il y a ramassage des ordures ménagères et la poubelle lui servira de cercueil ce soir. Contrairement à ce qu'on a pu me suggérer, je ne l'enterrerai pas dans le jardin. Ce n'est pas que je n'aimais pas ce chat, au contraire, mais de son point de vue à lui, ça ne fait plus aucune différence.


Je suis un mécréant, ou plus exactement un agnostique. Quand mon père a "décidé", il y a presque 18 ans, de s'endormir définitivement en lisant un vulgaire catalogue d'outillage (ce qui était plutôt ironique pour l'érudit qu'il fut), je ne crois pas qu'il soit parti vers un "au delà". Il est mort et puis c'est tout. Il a été incinéré pour respecter des volontés qu'il ne savait sans doute pas être ses dernières, et puis on est reparti avec une petite urne tiède. De son point de vue à lui, ça ne faisait plus aucune différence.

Quand je mourrai à mon tour, je me fous totalement de savoir ce qu'il adviendra de ma dépouille. Je ne demande qu'une chose à… (à qui au fait?), je veux mourir après ma mère et avant mes enfants. Si en plus je pouvais connaitre tous mes petits enfants avant de partir, je serais comblé.


Je ne peux te dire ni au revoir ni adieu, Croque-Au-Sel, ce serait incohérent. J'espère seulement que tu as eu le temps de te reproduire avant de partir, c'est la seule chose importante que toi et moi ayons eu à faire sur cette terre.

samedi 1 janvier 2011

Coupés sportifs

Un très bon ami a la grande amabilité de me prêter un véhicule car à la suite d'un concours de circonstance, j'en suis dépourvu. Non, il ne s'agit pas de la fameuse RJ49 mais plus prosaïquement d'une simple Fiat Uno. Petite, racée, nerveuse, c'est tout de même un véritable aspirateur à minettes (à moins que ce soit le pilote…) mais je ne voudrais pas abuser de la générosité de son propriétaire légitime. C'est donc avec un pincement au cœur que je la restituerai mais "il n'est de bonne compagnie qui ne se quitte".


Alors voilà c'est décidé, je vais m'acheter une voiture, neuve! Oui mais laquelle? Je tiens à vous rassurer tout de suite, je ne vais pas vous parler boulons et rondelles pour évaluer les mérites respectifs de tel ou tel modèle parce que ce n'est pas du tout la ligne éditoriale de ce blog, si tant est qu'il en ait encore une. Juste quelques remarques disparates qui me sont venues à l'esprit au fur et à mesure de ma réflexion sur un sujet éminemment important: quel véhicule conviendrait à un individu de ma qualité.


Une amie qui apprécie les belles automobiles me fait différentes suggestions. Tout d'abord, une Spyker C8 Laviolette



Oui, bien sûr, un tel coupé puissant, trapu et ramassé ne pourrait que s'harmoniser avec la virilité exacerbée qui transparait par toutes les facettes de mon individu mais (car il y a un mais), je crains de ne pas être mis en valeur par un habitacle tel que celui-ci.



Passe encore l'aluminium bouchonné utilisé à profusion, ça choque à première vue mais j'imagine que l'on peut s'y faire. Par contre, le cuir rouge matelassé (j'espère au moins que ce n'est pas du simili!) est incompatible avec mon standing. On dirait le décor des chambres d'un hôtel borgne! Bien entendu, le prix d'acquisition du dit véhicule situé aux alentours de 242.000 €uros n'a rien à voir dans l'affaire, ces Bataves ont un goût de chiotte et c'est tout!


Seconde suggestion: une Mercedes Benz SLS AMG.



Certes, un bolide tel que celui-ci semble à première vue convenir à un personnage de mon importance et je sais gré à cette amie de vouloir spontanément me placer dans un écrin dont la valeur semble être en adéquation avec la mienne. A propos de valeur, Mercedes offre actuellement ce coupé contre 190.000 €uros. Le critère de prix est donc plus négligeable encore que dans le cas précédent.


Mais voyons l'habitacle:



Ce coup-ci, presque pas de faute de goût. C'est gai comme savent l'être nos amis Allemands. Il y a bien les quatre aérateurs chromés qui donnent un petit coté muscle car années 70 de chez Général Motors mais globalement, la partie cockpit est elle aussi acceptable et digne d'accueillir mon auguste personne.


La décision semblait donc être prise et je m'apprêtais à convoquer le directeur commercial de la marque à l'étoile lorsque, levant les yeux, j'arrêtais mon regard sur le portrait qui orne ma chambre à coucher. Au dos de ce portrait figure la dédicace suivante:


"À mon dévoué collaborateur et ami Émile Gringo avec tous mes meilleurs souvenirs –Louis Renault-5 juin 1941"


Émile était mon grand-père et je ne peux trahir sa mémoire. Il me faudra donc faire mon choix parmi les modèles de la marque au losange. Désolé pour les teutons.


Allons donc voir s'il existe dans la gamme de notre brillant constructeur national, des modèles qui soient manufacturés pour les gentilshommes.
J'ouvre ici une parenthèse: Compte tenu des rapports privilégiés ayant existé entre Émile et Louis, je n'aurai pas la grossièreté d'évoquer plus avant l'aspect bassement pécuniaire de ma quête. Pas d'histoires de prix entre amis.


A première vue, le véhicule le plus convenable serait le modèle Laguna Coupé.






Renault se la joue urban jungle dans un Manhattan désaffecté pour nous présenter son coupé haut de gamme. On a l'impression d'avoir vu ce genre de film de réclame dix fois auparavant. La belle brune entrevue à la quarantième seconde ne posera pas ses fesses dans le siège passager(e) ni moi les miennes dans celui du conducteur. Il me faudrait regarder ailleurs quand je croise une Audi S5...



Alors quoi d'autre? Pourquoi pas la Mégane coupé cabriolet? C'est vrai, c'est sympa comme concept ça: un coupé pour foncer et un cabriolet pour rouler "cheveux au vent". Voyons ce que ça donne sur cette vidéo:




Bon, là c'est clair: cette caisse est un piège à filles pour qui veut danser le tango sur fond sunset. Mais avec quelle cavalière? Passe encore qu'elle ait des faux airs de Claire Chazal, qu'elle se balade en robe du soir et talons aiguilles en pleine journée, qu'elle réclame du ciel bleu en tableau, qu'elle jette ses affaires par la fenêtre et qu'elle semble plus intéressée par la natation ou la photographie que par la planche à repasser et l'aspirateur. Mais qu'elle fasse son premier caprice une minute et quarante et une secondes après le début de l'histoire ne présage rien de bon. Si la Mégane CC attire les emmerdeuses, il vaut sans doute mieux éviter d'en acheter une!


Ce qui me ramène au point de départ. Voyons, un coupé (deux portes) cabriolet (découvrable) deux + deux (pour éventuellement emmener mes gosses) spacieux, confortable, branché c'est… mais oui, bien sûr!




Rien à voir avec la mijaurée précédente. La femme Be Bop ne coûte pas cher à vêtir puisqu'elle porte toujours la même robe qu'elle a fabriquée elle même avec les chutes des rideaux de la salle de réunion, elle entretient ses chaussures avec de la peinture pour tuyau de poêle et ramène du poisson frais à la maison pour le repas du soir.


Ce sera donc ce véhicule mais en noir (l'orange, c'est pour les filles). Plus que quelques mois au volant de Rossinante!


Le seul truc que je ne comprends pas, c'est pourquoi mon fils me supplie de ne pas l'acheter et me menace même de faire semblant de ne pas me reconnaître s'il me croise dans la rue à son volant…